vendredi 24 octobre 2014

Christian Bank Pedersen (Université de Caen) : Les débâcles historiques danoises à travers la littérature

Résumé

Du point de vue de l’histoire politique, le XIXe siècle ne constitue pour le royaume du Danemark qu’une longue et pénible déroute : comme conséquence de la restructuration géopolitique de l’Europe à l’issue des guerres napoléoniennes, le pays dut d’abord accepter, en 1814, la perte de la Norvège, puis, en 1864, celle des duchés du Schleswig et du Holstein, après la défaite face aux troupes de la Prusse de Bismarck, alliée, pour l’occasion, à l’Autriche. Ces deux traumatismes ont profondément marqué l’histoire et l’identité nationale danoises modernes, notamment en mettant un terme définitif à l’ancien rêve d’un empire danois nordique, rêve trouvant ses origines à la fin du XIVe siècle lors de l’établissement de l’Union de Kalmar. Comment cette sinistre désillusion historique a-t-elle été interprétée dans la littérature danoise de ce même XIXe siècle, siècle qui voit donc le pays se construire en tant qu’État-nation moderne au moment même où il se fait démanteler sur la scène de la politique internationale ? Toute réflexion faite, la littérature n’est qu’une question de voix, et les voix de la littérature débattent sans cesse de ce qui leur est propre par rapport à ce qu’elles partagent avec n’importe quelle autre voix dans l’espace public, par exemple celle(s) de l’historiographie. À travers une considération de certains romans majeurs de l’époque, je discuterai de ce que la littérature danoise dit de cette calamiteuse histoire nationale du XIXe siècle : comment figure-t-on, en littérature, la construction d’une nation moderne à travers son humiliation même, et quels sont les liens et les écarts entre cette figuration et la représentation que fait l’historiographie danoise du même développement ?